mardi 27 février 2007

May B - chorégraphie de Maguy Marin

Des images de cet instant chorégraphie inoubliable me reviennent ce soir... peut être parce que j'ai feuilleté "En attendant Godot" ????...

May B s'élabore en 3 tableaux.
Sur des airs de fanfare, mal fagotés, le port voûté, l'équilibre contrarié, les corps plâtreux et poussiéreux se prodiguent des semblants de tendresse rageuse. La situation dégénère et la gestuelle du quotidien se radicalise au son d'une symphonie de Schubert. (On ne peut s'empêcher de penser alors au rapport entre la musique et la danse-théâtre cher à la prêtresse de Wuppertal (Kontaktof ou Café Muller)). Les deux clans se défient, se provoquent pour finalement s'éviter dans une veulerie partagée.
Puis vient l'exil. Le cortège (doit on identifier des personnages de Beckett ?) traverse et retraverse le plateau du théâtre de la Ville, tourne en rond et ne va nulle part. Les plus faibles sont alors victimes des autres mais avec la complicité de tous.
Cet humour féroce traverse la pièce du début à la fin... mis en exergue par les râles, les couinements, chuintements, murmures et halètements de cette tribu "minable".
Pour moi, May B est une pièce "sociétale" : tout est dit sur les rapports humains dans un monde on ne peut plus contemporain et combien... absurde.
May B est tout simplement un phénomène de la création contemporaine.

lundi 26 février 2007

La vie des autres - un film de Von Donnersmark


En 1984, à Berlin-Est, l'impitoyable capitaine Wiesler (Ulrich Mühe) de la STASI est chargé de surveiller le dramaturge Georg Dreyman. Officiellement, parce qu'il est l'ami d'un metteur en scène récemment interdit de travail pour avoir signé une pétition. Officieusement, parce qu'il est l'amant d'une actrice dont le ministre a fait sa maîtresse.
Wiesler pose les micros et s'installe dans l'appartement voisin. C'est à travers le regard et les oreilles de Weisler que le spectateur s'introduit dans l'intimité du couple. Couple privilégié et bohème, qui cotoie des artistes, des révoltés et des "dévians" que les autorités privent de leur raison de vivre : exercer leur art.
Fonctionnaire honnête et rigoureux au service du Parti, Weisler va découvrir le monde de l'art et de la pensée (la littérature avec Brecht, la musique avec cette "sonate pour un homme bon") et les abus de pouvoir auxquels peuvent se livrer certains apparatchiks. Wiesler voit tout cela et réagit en sabotant ses propres rapports pour protéger Dreyman, qui ne comprendra sa propre histoire qu'après la chute du Mur de la honte.
"1984" - George Orwel ; la vie des autres : big brother en RDA.

(photo : Océan films in "UGC illimité, le magazine des cinémas", n°153)

mercredi 21 février 2007

Gilbert & George : major exhibition / Tate Modern




Je ne connaissais de Gilbert & Georges (G&G) que cette vidéo projetée à la galerie nationale du Jeu de paume lors de l'exposition intitulée "un siècle de sculpture anglaise". Cette vidéo retransmettait une "Singing Sculpture - Underneath the Arches", performance réalisée au musée d'art contemporain de Bordeaux en 1995.
J'avais été fasciné par ce travail atypique situé entre respect et profanation.
La rétrospective présentée à la Modern Tate retrace toute la vie du sulfureux tandem qui n'est que sculpture : au travers de fusains sur panneaux ou d'assemblages monumentaux de photos, il est toujours question de sexe, d'argent, de religion et de racisme. Les amis, amants et partenaires montrent que l'histoire de chaque jour prime sur l'histoire de l'art, se veulent "shocking", tournant en dérision l'establishment britannique.
Reportages sur notre époque (les années Thatcher et les étrons en crucifix, les années sida et les cris de douleurs, ou la nouvelle terreur qui s'est abattue sur Londres...), cette rétrospective est parcourue par une insistante mélancolie peut être aussi, parce qu'en ordonnant le massacre de l'hypocrisie, G&G payent de leurs personnes.

lundi 19 février 2007

Le lac des cygnes - Covent Garden - Tamara Rojo & Carlos Acosta





Fabuleux Lac des cygnes (chorégraphie de Petipa & Ivanov) que celui dansé samedi 17 par les deux étoiles du ballet de Londres.
Dans l'acte I, Carlos (prince Siegfried) est un jeune homme plein de vie, amuseur, insouciant. Mais sa mère, la reine (Elizabeth McGorian), lui apprend qu'il est temps qu'il choisisse une femme. Paniqué, le prince se sent prisonnier d'un destin qu'il ne maîtrise plus. Il préfère alors aller à la chasse. La rencontre de jeunes filles au bord d'un lac va ajouter un trouble à cette vie jusqu'alors paisible : Tamara (Odette) apparaît et danse tout en délicatesse pour exprimer son désespoir au Prince et lui apprendre qu'elle et ses amies sont prisonnières du mauvais génie (Rothbart - Gary Avis) et qu'elles sont contraintes de garder l'apparence d'oiseaux. Seul l'amour peut les sauver de ce sortilège.
Comment ne pas tomber amoureux de cet idéal féminin, Tamara étant à la fois sylphide et cygne blanc ? Le prince s'engage sans hésitation à épouser Odette.
Prisonnier de cet amour, de ces pensées, le prince Siegfried, revenu au château pour ses fiançailles, refuse toutes les prétendues. Arrivent une femme en noir (Odile/Tamara) et son père, Rothbart. Malgré quelques hésitations, le prince croit reconnaître la jeune fille du lac et la choisit finalement comme épouse. C'est la liesse : le mauvais génie triomphe, sa fille exulte et enchaîne trente deux fouettés magnifiquement maîtrisés par Tamara et fortement acclamée par les spectateurs de Covent. D'ailleurs, Carlos et Tamara interprètent ce troisième acte avec toute l'intensité dramatique qui les caractérise, et leur danse est irréprochable. A chaque saut, Carlos semble jouer de l'apesanteur et retenir le temps. Il est resplendissant, au sommet de son art. De l'amoureux songeur, il devient l'homme heureux et trahi. Sa gestuelle, son regard traduisent toutes ces émotions. Car Carlos n'a pas besoin d'en faire plus, aucune mimique, le geste pure : l'aura d'une très grande étoile.
Au quatrième acte, les cygnes, au bord du lac, voient revenir Odette qui annonce la catastrophe. Le prince, au désespoir arrive et Rothbart s'interpose. Les amants se suicident et le mauvais génie est foudroyé par cet amour. Là encore, la danse, le jeu d'acteur des deux étoiles permet à la salle de retenir son souffle jusqu'aux applaudissements finaux qui n'en finissent pas afin de remercier ces artistes qui font revivre ce ballet et qui me permettent de dire, à la fin du spectacle, que la vie vaut d'être vécue...
Un lac comme je ne l'ai jamais vu interprété. Une beauté.
Je tiens également à signaler, "malgré" l'aura des deux étoiles, le pas de trois de l'acte I superbement interprété par Alexandra Ansanelli, Lauren Cuthbertson et Steven McRae et qui ont enflammé Covent Garden. A l'acte III, Laura Morera et Ricardo Cervera ont interprété une danse napolitaine endiablée (chor. de Ashton) que le public londonien a su apprécier à sa juste valeur.

jeudi 15 février 2007

mercredi 14 février 2007

Les adieux de Laurent Hilaire, danseur étoile



Au cours de la soirée consacrée à "Balanchine, Brown et Forsythe", Laurent Hilaire, danseur étoilé nommé par R. Noureev a fait ses adieux à la scène. Après avoir interprété "Apollon" de Balanchine (cette soirée comprenait également "Agon" du même chorégraphe, "O Zlozony/O composite" de T. Brown et "The Vertiginous thrill of Exactitude" de Forsythe), une chorégraphie supplémentaire était programmée ce soir : "Le chant du compagnon errant" de Béjart. C'est avec Manuel Legris comme partenaire que Laurent Hilaire a interprété ce pas de deux, clos par une pluie de pétales de roses venue couronner la carrière exemplaire de ce danseur noble.

lundi 12 février 2007

L'Evènement - les images comme acteurs de l'histoire

L'actuelle exposition de la galerie nationale du Jeu de Paume traite de cinq sujets, non chronologiques dans l'accrochage, et qui concernent des instants différents de l'histoire occidentale : la guerre de Crimée, la conquête de l'air, le 11 septembre, les congés payés et la chute du Mur de Berlin.

La guerre de Crimée : moment fort intéressant, le visiteur est confronté à un choc de vecteurs. L'évènement est "couvert" par la photographie, la peinture et la gravure (presse illustrée). Etrangement, les photographies illustrent des mises en scène totalement immobiles (terres labourés) alors que les peintures et les gravures décrivent l'action de la bataille. En fait, le manque d'information de la photographie est compensé par la plus-value esthétique. Et le médium le plus traditionnel (le dessin) est aussi le plus naturaliste, le plus "vivant". En fait, la photographie n'empêche pas la gravure d'exister.

La conquête de l'air : qui est le thème qui m'a le moins intéressé. La photographie accompagne l'évènement, telle cette photographie montrant Blériot et ses béquilles qui remonte dans son avion pour (re)tenter de traverser la Manche.

Le 11 septembre : ce qui est visuellement très fort et riche d'enseignement, c'est le travail effectué sur la presse. Et notamment cette "statistique" représentée par 6 images que l'on retrouve de façon récurrente dans toute la presse occidentale et qui couvrent cet évènement de dimension planétaire.

Les congés payés : le "mythe" est couvert non seulement par la photographie (clichés d'Henry Cartier Bresson) mais également par la peinture (Fernand Léger) et des bandes d'actualité de l'époque.

La chute du mur : les souvenirs personnels (j'étais alors étudiant) se mélangent aux rediffusions des JT de l'époque qui "accompagnaient" l'évènement.

Cette exposition est intelligente parce qu'elle suscite des interrogations et provoque des chocs visuels. A ne pas rater.

La Table verte - K. Jooss / ABT


La venue de l'American Ballet Theatre (ABT) au théâtre du Châtelet m'a permis de découvrir (enfin!! et avec beaucoup de plaisir) cette pièce majeure du mouvement "expressionniste allemand". Pour expliquer son travail et sa démarche, Pina Baush se réfère régulièrement à Joos qui dirigea et enseigna à la Folkwang Tanzbühne d'Essen après la seconde guerre mondiale.
La Table verte (1932) porte en sous titre "une danse de mort en 8 tableaux" : Joos dénonce dans cette pièce non seulement la montée du nazisme qui l'obligera à fuir en Grande Bretagne l'année suivante, mais également l'esprit de mort de l'époque.
Des hommes en costume noir et cérémonieux se disputent et gesticulent autour d'une grande table verte, symbole du jeu et du pouvoir. Les négociations se poursuivent jusqu'à ce que les protagonistes sortent un revolver et tirent : la guerre est déclarée. Des tableaux très expressifs se succèdent : les adieux de l'homme-soldat à sa mère, le départ des soldats à la guerre, la fuite des émigrants... A chaque séquence, la silhouette de la mort (magistralement interprétée par le danseur étoile David Hallberg) vient chercher les victimes. La pièce s'achève en revenant à la table des négociations et aux gesticulations grotesques des diplomates qui l'entourent.
La tonalité sombre de la pièce est accentuée par la musique de F.A. Cohen et la gestuelle des danseurs : la conscience du poids du corps et son ancrage dans le sol permettent une expressivité qui n'est pas sans rappeler la démarche actuelle de Mats EK par exemple. La réussite de cette oeuvre est certainement technique.
C'est Anna Markard, la fille de Joos, qui a remonté la Table verte, entrée au répertoire de la compagnie américaine en 2005.

(photo : Kurt Joos in "Danse contemporaine / danse et non danse" D. Fretard - éditions cercle d'art)

vendredi 9 février 2007

Maurice Béjart (1)





A Dina.

Maurice Béjart (2)






Pour les 80 ans de Béjart, le ministère de la Culture rend hommage au chorégraphe qu'il a effroyablement ignoré durant toute sa carrière. Une mise en image des façades du Palais-Royal est proposée (photos de Colette Masson) sur une musique de Pierre Henry « Compilation amoureuse pour les 80 ans de Maurice Béjart ».

mardi 6 février 2007

lundi 5 février 2007

"El violin" un film de Francisco Vargas



Don Plutarco (Don Angel Tavira), vieillard buriné aux traits impassibles, est un violoniste manchot. Mais sous son apparence de vieillard inoffensif, se cache un résistant qui participe à la "guerilla campesina" qui tente de renverser le gouvernement mexicain.
Sa vie est celle des siens basculent le jour où les soldats attaquent le village, obligeant les rebelles à se réfugier dans la sierra, laissant derrière eux leurs stocks de munitions. Dès lors, le musicien n'a plus qu'une idée en tête : revenir pour récupérer des munitions dissimulées dans son champ. Pour réussir, le vieux Plutarco doit amadouer le capitaine, officier sanguinaire mais sensible à la musique. Fasciné, il oblige le vieil homme à revenir chaque jour jouer de son violon tel une bête de somme traçant son sillon.
Don Plutarco a la musique, il veut les munitions. Le capitaine veut étouffer la rébellion mais il aime la musique. Armes et musique.

Filmé en noir et blanc, ce drame m'a saisi dès les premières images : tortures, viols, exécutions sommaires. La tragédie de ces "peones" opprimés est envoyée aux visages des spectateurs comme un coup de crosse.

Actuellement au "cinéma des cinéastes".

dimanche 4 février 2007