samedi 30 juin 2007

Buenos Aires 1977, un film d'Israel Adrian Caetano

"Buenos Aires 1977" est un sidérant huis clos qui raconte la séquestration, la torture, les humiliations, la délation subies par quatre jeunes argentins dans le centre de détention clandestin "la villa Seré" au temps de la junte militaire (1976-83).
Il s'agit là d'un film très sensoriel puisque le parti pris du réalisateur est de mettre au suplice le spectateur à l'instar de ces jeunes argentins, militants gauchistes ou apolitiques, qui ne purent jamais voir leurs bourreaux mais qui vivaient au rythme des bruits, des hurlements qui résonnaient dans la villa Seré. La violence est traduite à l'écran sans être représentée dans ses détails sanglants.
Témoignage déchirant d'une époque souvent mal connue, "Buenos Aires 1977" pêche par son absence de discours et références politiques. Mais peut-être qu'au delà de l'oeuvre de mémoire, le réalisateur a-t-il voulu montrer que l'horreur et la torture sont hélàs atemporelles et universelles.
Un très beau témoignage.

dimanche 24 juin 2007

Solo, de Philippe Decoufle à Chaillot

SOLO, le doute m'habite : en usant d'ombres chinoises, de dédoublements kaléidoscopiques, de jeux de couleurs et de lumière, Philippe Decouflé brouille les limites entre réalité et illusion. Il fait raconter à ses mains des histoires, montre ses pieds, crée une complicité avec le public en dévoilant des photos de famille et mime avec un humour irrésistible "C'était bien - "au petit bal perdu" interprété par Bourvil. Il va jusqu'à rendre hommage à son chorégraphe préféré, Busby Berkeley, l'auteur des comédies musicales hollywoodiennes des années 30, alors que chacun de ses mouvements est projeté à l'infini derrière lui, avec un décalage de quelques secondes donnant l'impression qu'une multitude de danseurs parfaitement synchronisés l'accompagnent.
Un solo pour également oser faire le point sur le chemin parcouru, oser la solitude après de nombreuses années de travail en groupe, oser l'interrogation de son corps de quadragénaire.
Cette pièce est tout à la fois pétillante, intimiste et pleine de charme. Seulement et comme souvent dans les spectacles signés Découflé, le souffle retombe et on s'ennuie avant qu'une idée lumineuse redonne vie à la scène.
En ce dimanche de juin, Découflé nous a offert, après les nombreux rappels, une chorégraphie sur une suite pour violoncelle de Bach "parce que demain c'est repos". Les lignes sont claires, précises, le corps agile, le geste habité.... un petit régal.

samedi 23 juin 2007

Noureev l'insoumis, de Ariane Dolfus

Ariane Dolfus propose une biographie riche et vivante de Rudolf Noureev après avoir enquêté pendant 5 ans afin de livrer au lecteur un portrait émouvant et contrasté de cet homme hors du commun.
L'auteur oppose dans son ouvrage Noureev le jet-setter à l'homme solitaire, nostalgique de son pays et en manque de sa mère. La danse sera alors pour Noureev un ersatz à la vie... d'ailleurs Noureev, danseur-chorégraphe, va énormément contribuer à modifier le statut du danseur masculin.
Quant au mythe Noureev, il s'explique parce que le tatar a su épouser son temps (de son enfance avec la seconde guerre mondiale aux années sida en passant par la guerre froide et la "libération" des moeurs homosexuelles) tout en imposant son art, souvent jugé pompeux et désuet, mais qu'il a réussi à rendre vivant et moderne.
Passionant.

"Le livre de Joe" de Jonathan Tropper

Intrigue à tiroirs faisant alterner le roman de jeunesse (publié par Joe) et le journal de bord de ses retrouvailles avec Bush Falls, ce roman se dévore. Tropper signe là un livre poignant, drôle, tendre et émouvant. L'Amérique profonde est décrite sans complaisance. Toutefois, une critique sociale plus prononcée et/ou partisane aurait donné de l'épaisseur à cet ouvrage. De plus, le "happy end" final me laisse interrogateur : à l'instar de Joe, Tropper souhaite-t-il que son livre soit porté à l'écran par la machine hollywoodienne ? "Le livre de Joe" est-il le scénario d'un prochain blockbuster ?
Idéal pour la plage ou les transports en métro.

Extrait :
« Tu te souviens des vieux dessins animés du Coyote, quand le Coyote se précipitait d'une falaise et qu'il continuait à courir jusqu'au moment où il baissait les yeux et réalisait qu'il cavalait dans le vide ? Et bien, je me suis toujours demandé ce qui lui serait arrivé s'il n'avait pas regardé en bas. Est-ce que l'air serait resté solide sous ses pieds jusqu'à ce qu'il ait atteint l'autre bord du précipice ? Je pense que oui, et je pense qu'on est tous comme ça. On s'élance pour traverser le canyon, le regard fixé droit devant soi vers les choses vraiment importantes, mais quelques chose, la peur ou un sentiment d'insécurité, nous fait regarder en bas. Alors on s'aperçoit qu'on marche sur du vide, on panique, on fait demi-tour et on pédale à toute vitesse pour retrouve la terre ferme. Mais si on ne baissait pas les yeux, on arriverait sans problème de l'autre côté. Là où sont les choses vraiment importantes. »

vendredi 22 juin 2007

Jane Birkin, ultime "Arabesque" au Bataclan






Concert organisé au profit de la fédération internationale des droits de l'Homme.

mercredi 20 juin 2007

lundi 11 juin 2007

La Belle, de JC Maillot au théatre du Chatelet

Il s'agissait ce soir de ma deuxième Belle aux bois dormant de la saison. Après celle présentée à Covent Garden, celle chorégraphiée par JC Maillot pour les ballets de Monte Carlo. C'est la première fois que j'assistais de visu à un spectacle de cette compagnie régulièrement encensée par la critique. La Belle, dansée ce soir par Berenice Coppieters est une lecture du comte de Perrault basée sur la complexité des relations humaines et le psychodrame familial. Maillot déclare opposer sa Belle à celle de Petipa, "trop sucrée". Ici, deux univers s'affrontent : celui du Prince (les décors et costumes sont essentiellement noirs et blancs), entouré d'une mère castatrice (elle est également la fée Carabosse) et qu'il devra tuer pour se "libérer". A l'opposé, le monde de la Belle, aux couleurs douces, et qui se meut dans une bulle à l'abri du monde "vrai"... Cette lecture du comte est intéressante mais qu'apporte exactement l'écriture chorégraphique de Maillot ? Sa gestuelle est qualifiée de "néo-classique"... personnellement, j'ai eu l'impression d'une succession de petits gestes maniérés et de nombreux tableaux mimés pour que le spectateur puisse comprendre la lecture du chorégraphe. Le travail de Maillot nous emmène hélàs très loin de l'esthétisme des Kylian et autre Duato. Seuls quelques mouvements du corps de ballet donnent de l'élan à cette chorégraphie que l'on oublie rapidement sous l'opulence des costumes de Philippe Guillotel, et qui est vainement mise en relief par les jeux de lumière de Dominique Drillot. Certes le troisième acte redonne un peu de force et d'élégance à l'écriture chorégraphique mais je sors fort déçu de cette première rencontre avec le travail de Maillot.
(photo 1 : Laurent Philippe)

Voilà ici recopiés mes propos suite à la Belle de novembre dernier présentée à Covent Garden. Mon enthousiasme était tout autre :

Quelques mots pour vous parler de la "Beauty sleeping" au ROB (28/11/06) avec dans les rôles titres Tamara Rojo et Carlos Acosta.
La chorégraphie actuellement présentée date de 1946 et a été "montée" par Ninette de Valois. Le programme précise que des morceaux chorégraphiques de F. Ashton, A. Dowell & C. Wheeldon complètent cette version.
Covent Garden affichait complet, y compris pour les places debout et avec très peu de visibilité. Une véritable communion et un plaisir partagé par tout un public...
Dès son entrée, Tamara s'est imposée par sa technique. Infaillible, belle, un peu libertine, elle a fait preuve d'une grande assurance qui s'est confirmée avec l'adage à la rose. La Belle s'est amusée : elle semblait "suspendue" avant de reprendre la main de ses prétendants. Un "ooooh" général a retenti dans l'enceinte de l'Opéra et les applaudissements ont été forts chaleureux.
Quant à Carlos... LE phénomène de la danse de ce début de siècle. Inimaginable et difficilement descriptible, sa prestation bien que "réduite" dans cette version (celle de Noureev accorde une place plus importante au Prince) restera pour moi, mémorable. En particulier ce solo... tant filmé (cf. Noureev qui le maîtrisait fort bien, ou Manuel Legris dans le dvd "Rêve d'étoile" consacré à cette histoire, transpire, écoute les conseils de Patricia Ruanne pour finalement arriver à dominer son sujet) et où le prince est attendu sur ce morceau de bravoure. Chez Acosta, à la différence des autres danseurs, il y a cette agilité, cette facilité déconcertante. Certes, d'autres danseurs resplendissent dans ce rôle mais on perçoit la somme de travail qu'a exigé ce passage. Chez Acosta, la maîtrise est telle, l'ampleur gestuelle si phénoménale qu'il réussit à couper le souffle à Covent Garden pendant quelques minutes. Fabuleux.
La cerise sur le gâteau étant le grand pas de deux de l'acte III où nos deux protagonistes sont resplendissants.
Seul reproche : le rôle très technique de la princesse Aurore fait perdre la dimension dramatique du personnage.... et c'est dommage.
Autre soliste dont je retiens la prestation : José Martin, l'oiseau bleu. Son amplitude et son investissement physique lui ont valu de nombreux applaudissements. J'ai découvert José lors du spectacle que Carlos présentait en juillet dernier au Sadler's (Carlos & his friends). Les deux danseurs sur scène avaient été impressionants.
Et j'avoue que je n'hésiterai pas à traverser la Manche lorsqu'un rôle titre lui sera confié. A suivre...
La fée Lilas était dansée par Alexandra Ansanelli, fort belle et qui n'a pas démérité, bien au contraire.
Quelques regrets cependant concernant le corps de ballet dont j' attendais plus de rigueur dans les déplacements. Après avoir vu le Bolshoï, je me dis que la compagnie russe a une maîtrise du mouvement d'ensemble phénoménale, que je ne retrouve pas dans les autres compagnies.
Cette petite ombre au tableau ne m'a pas gâché la soirée, bien évidemment !
Ravi tout comme l'ensemble du public, le couple Rojo-Acosta a fait fureur. Du grand art, inoubliable.

dimanche 10 juin 2007

"Les temps difficiles" /E. Bourdet/J.C. Berutti

Dans "Les temps difficiles", Jérôme, le capitaine d'industrie, dont la main de fer dirige l'entreprise et les familles entrecroisées qui composent le clan des Antonin Faure, va sacrifier sa nièce à la sauvegarde d'une société en péril. Pour éviter la faillite, il marie la jeune Anne-Marie avec le fils débile d'une veuve immensément fortunée. La survie d'une entreprise vaut bien le malheur d'une jeune fille... Il suffit d'ailleurs d'un diamant pour que la petite accepte tandis que sa grand mère l'attend en vain, pour lui remettre un bijou de famille.
C'est terrible. Destructeur même. Ici aucun personnage n'est pur, à l'exception de Marcel et de son fils. Même Bob, le fils unique attardé, est un obsédé sexuel.
La distribution est remarquable. La mise en scène est puissante et rigoureuse.

Actuellement au théâtre du Vieux-Colombier/Comédie Française
(photo : Mirco Cosimo Magliocca)

vendredi 8 juin 2007

Bandonéon, de Pina Baush au Théâtre de la Ville

Moment très attendu de cette saison qui s'achève au théâtre de la Ville, cette pièce de Pina Baush des années 80. Elle relève de ces pièces écrites il y a plus de 20 ans et qui me font vibrer, qui me touchent, m'interrogent à l'instar de Café Müller, du Sacre, de Viktor ou encore de Kontaktof. Beaucoup plus que les créations de la prêtresse de Wuppertal présentées inlassablement par G. Violette et son équipe...
Alors Bandonéon que je n'avais cotoyé qu'au travers de photographies... il y a de nombreuses interrogations dans cette pièce fleuve : interrogation du spectacle, sur la danse ou plus précisément sur le monde du ballet, sur les rapports hommes-femmes... interrogations déclinées au rythme de tangos.

Ces scènes où des danseurs avortent leurs souffrances endurées face à des professeurs de danse classique sadiques ; les exigences du monde du ballet, le sourire aux lèvres, quoi qu'il advienne. Et Dominique Mercy, vêtu de son tutu, qui effectue, inlassablement, des grands pliés avant de chuter sur le côté. En nous montrant son corps, celui d'un homme d'une cinquantaine d'années, loins des images actuellement véhiculées par les danseurs étoiles qui occupent le haut de l'affiche sur toutes les scènes internationales.
Ces tangos dansés comme nul part ailleurs : la femme sur les épaules de son partenaire qui se retrouve la tête entre ses jambes pour ensuite chuter ensemble et continuer cette danse assis l'un sur l'autre. Moments sensuels, érotiques, mouvements d'ensemble qui ont fait la réputation de la compagnie de Wuppertal.

Et cette interrogation qui a parcouru le monde chorégraphique des années 80 : que doit-on montrer ? Dès le début du spectacle, un danseur pose la question : "Je dois faire quelque chose ?", question qui se reposera inlassablement au cours du spectacle de façon différente. Pina et ses danseurs apportent des éléments de réponse : un danseur effectue un pont, le temps d'un tango, les danseurs alignés le long du mur de ce qui a été une salle de café décorée de photos anciennes de boxeurs pour laisser place à une vaste pièce désaffectée... et ce changement s'est réalisé sous les yeux du spectateur, avant l'entracte, les danseurs continuant leur danse, les techniciens leur travail. Parce que Bandonéon date des années 80, et que poser ces questions et proposer des esquisses de réponses était sinon révolutionnaire au moins prémonitoire. Et dans cette espace que les danseurs tentent de ne pas limiter, le temps semble s'être arrêté et peser sur la représentation. Alors on se dit que les Jérôme Bel ("The show must go on"), Alain Buffard et autres n'ont rien inventé... Alors pourquoi cette désaffection des spectateurs en deuxième partie de Bandonéon ? Parce que 3 heures de spectacle, c'est trop ? Parce que les scènes répétées deviennent insupportables ? Parce que "ne rien montrer" ennuie ? ces questions ont été les raisons de dizaines de spectacles présentés dans la même salle et qui ont conduit à des applaudissements à tout rompre. Alors même que la qualité de l'interprétation de ces autres compagnies ne rivalisait pas avec celle des danseurs de Wuppertal. Seulement ici, dans ce lieu atemporel, on prend le temps... le temps d'exorciser ses angoisses, le temps de draguer, d'échanger, peut être de s'aimer. La succession de scènette n'est pas la promotion du "zapping" et c'est en cela que Bandonéon est une pièce clé et du répertoire du Tanztheater de Wuppertal et du monde du ballet.

mercredi 6 juin 2007

I don't want to sleep alone, un film de Tsai Ming Liang

Torses nus. Poussière. Crace. Plans immobiles. Dialogue quasi-inexistants. Intensité des gestes quotidiens. L'écoute d'autrui.
Kuala Lumpur. Malaisie. Un groupe d'immigrés du Bangladesh ramasse dans la rue un vieux matelas pourri, puis un chinois qui s'écroule sur leur passage. L'attention que l'un des leurs lui portera permettra au chinois de revenir à la vie. Il tombera ensuite sous le charme d'une jeune chinoise employée par la patrone d'un restaurant et chargée de soigner son fils plongé dans le coma...
Le mutisme des personnages souligne à la fois la difficulté à communiquer des protagonistes quand on ne parle pas la même langue, mais également la solitude et l'ennui. La caméra s'attarde sur la fragilité des corps, insiste sur les eaux noires et stagnantes (métaphore à la misère des classes laborieuses), sur les fumées toxiques qui menacent la ville mais capte également ce papillon qui se pose gracieusement sur une épaule...
La caméra dévoile tout de l'extrême pauvreté de ce sous prolétariat et de la richesse intérieure de ceux qui souffrent.
Surprenant.

dimanche 3 juin 2007

Les chansons d'amour, un film de Christophe Honoré

Joie et jalousie : un ménage à trois entre Ismaël (Louis Garrel) qui aime Julie (Ludivine Sagnier) tout en sachant qu'Alice (Clotilde Hesme) est venue se glisser dans leurs draps.
Arrêt du coeur : la mort subite de Julie plonge Ismaël dans le désarroi, la mélancolie... alors même que la famille de Julie tente de trouver un peu de réconfort auprès de lui. Peine perdue.
Egoïsme : Ismaël retrouvera l'amour dans les bras d'Erwan (Grégoire Leprince-Ringuet).
Une liberté sexuelle assumée, des scènes chantées qui prolongent les dialogues à la façon des comédies bollywoodiennes... le film de Christophe Honoré est pertinant et pétillant à une condition : savoir bouffer et digérer la tendance bobo parisienne que nous impose les acteurs et le réalisateur.