dimanche 30 mars 2008

La zona, propriété privée - un film de Rodrigo Pla

Chronique d’une mort annoncée. Révoltante et bouleversante.
Sur les hauteurs de Mexico. Un mur. Des barbelés. Des caméras vidéo de surveillance. Au pied du mur s'étale la ville et sa misère. Décor de fin du monde. A l'intérieur de l'enceinte : la Zona, cité privée pour familles fortunées. Atmosphère aseptisée et claustrophobe. Dualité sociale. Ici ou ailleurs... Pourtant, une nuit, trois gamins pénètrent à l'intérieur de l'enceinte et s'introduisent dans l'une des villas. Le vol qui s'ensuit tourne mal et une femme est tuée. Prévenus, les vigiles abattent deux gosses. Le troisième s'enfuit mais reste prisonnier de la Zona. Ses habitants, prêts à tout pour préserver leur bonheur, décident à la majorité d'étouffer l'affaire, de faire disparaître les cadavres, et de rendre leur propre justice. Rien ne pourra enrayer la mécanique mortifère de La Zona.
Cette terrifiante vision du monde, bien que manichéenne, ne sauve personne. Ni les riches, ghettoïsés, au comportement barbare et violent, ni les autorités policières, passives et corruptibles, ni les exclus qui subissent toutes les atrocités (humaines et économiques). Mais ce pamphlet contre "le tout sécuritaire" reste toujours acceptable grâce à la présence et la performance de quelques personnages complexes et salvateurs. Et une maîtrise surprenante de la caméra.

Film mexicano-espagnol avec Daniel Gimenez Cacho, Maribel Verdu, Carlos Bardem, Daniel Tovar.

samedi 29 mars 2008

Miss Landmine Survivor

Maria, Generosa, Anita et les autres.
Dix huit jeunes femmes (de 19 ans à 33 ans) concourent pour le titre de "Miss Angola rescapée des mines". Dix huit jeunes femmes qui ont en commun d'avoir, fillettes, été grièvement blessées en sautant sur des mines anti-personnel. Toutes ces histoires renvoient à une tragédie personnelle dont on peut se faire une idée en lisant les courtes biographies déposées sur le site dédié (cliquer sur le titre du post). Aujourd'hui, à une exception près, ce sont des mères célibataires au chômage ou vivant de petits métiers. Le but du concours est de permettre aux candidates de retrouver la confiance en elles.

dimanche 23 mars 2008

René Aubry au théatre de la Reine Blanche





Je dédie ce post à Dany Derville.

mercredi 19 mars 2008

Photo Reuter

samedi 15 mars 2008

Juste la fin du monde / Lagarce / Raskine

Louis revient dans sa famille, un dimanche, après une longue absence entrecoupée de "petites lettres elliptiques" griffonnées au dos de cartes postales. Il revient parce qu'il va mourir "plus tard, l'année d'après", et qu'il veut prendre congé des siens et leur parler. Mais la communication est difficile voire impossible, minée par les rancoeurs et les non-dits accumulés.
Aux monologues de Louis répondent des échanges brefs et percutants entre les autres membres de la famille. Mais chacun d'eux s'adresse à Louis par une longue tirade : il écoute, esquive, cherche à se frayer un chemin à travers les mots pour livrer en vain son secret. La phrase lagarcienne n'en finit pas, s'échappe, gambade et s'écorche sur les mots "justes" ou la grammaire, rendant plus douloureuse la parole des personnages, accentuant leur détresse face à eux mêmes et face à ce qu'ils veulent exprimer.
Les cinq acteurs jouent devant le rideau de scène, sur un plateau qui mange les premiers rangs des sièges de la salle Richelieu, entrainant le public dans l'intimité des personnages. Si certains procédés de la mise en scène sont critiquables (comme ce bruit de déclenchement d'appareil photo invitant les acteurs à prendre la pose entre les scènes), le jeu des acteurs est bouleversant d'authenticité.

Salle Richelieu. Avec Pierre-Louis Calixte, Elsa Lepoivre, Catherine Ferran, Laurent Stocker, Julie Sicard.

jeudi 13 mars 2008



Signs that say what you want them to say and not signs that say what someone else wants you to say, 1992-93
Photographie de Gillian Wearing

dimanche 9 mars 2008

Into the wild, un film de Sean Penn

Diplômé de l'université de Géorgie, Christopher McCandless (alias Emile Hirsch) a brusquement déserté la bonne société sudiste dans laquelle il a été élevé après avoir refusé la proposition paternelle de financer une nouvelle voiture et fait don des 24 000 dollars de son trust fund à une ONG. Devenu Alexander Supertramp et laissant sa famille sans nouvelle, le fugitif sillonne l'ouest des Etats-Unis. Des champs de blé du Dakota aux flots tumultueux du Colorado, en passant par les communautés hippies de Californie, Chris, lecteur assidu de Tolstoï et de Thoreau, va rencontrer des personnages hauts en couleur. Chacun, à sa manière, va façonner sa vision de la vie et des autres. Au bout de son voyage, Chris atteindra son but ultime en s'aventurant seul dans les étendues sauvages de l'Alaska pour vivre en totale communion avec la nature.
Pour illustrer ce récit, Sean Penn ne tombe pas dans la tentation de la belle image, comme aurait pu faire Ang Lee. Ses images, ses plans transpirent d’une beauté brute, comme vue par les yeux et non l’esthétisme.
Quant à la narration, elle repose sur un montage hardi mêlant les époques et les évènements, sur le défilement à l’écran et en surimpression des phrases retrouvées dans le journal de Chris ou qu’il avait gravées sur une surface de bois. En voix-off, le récit de sa sœur qui lui fut proche, et qui explique cette fuite par un « secret de famille » qu’il a découvert. Toutefois, on adhère difficilement à cette explication. Cette opacité du personnage tient sans doute aux limites de l'interprètation d'Emile Hirsch. Capable de communiquer l'exaltation qui saisit McCandless lorsque celui-ci décide de descendre le Colorado jusqu'au golfe du Mexique, il ne laisse rien passer de ce qui a mené son modèle au bout de la piste.

samedi 8 mars 2008



Gilles & Gotscho embracing, Paris, 1992.
Photographie de Nan Goldin

dimanche 2 mars 2008

La ronde de nuit, un film de Peter Greenaway

L'argent, le sexe, le complot et le meurtre sont les moteurs du film de Greenaway. Et le tableau de Rembrandt (1606-1669), « La Ronde de nuit », également connu sous le nom de « La Compagnie de milice du capitaine Frans Banning-Cock et du lieutenant Willem van Ruytenburch ».
Selon Greenaway, les trente-quatre bourgeois d'Amsterdam peints sont les responsables de la descente aux enfers du peintre. En 1642, Rembrandt est un homme riche, célèbre et heureux : sa femme Saskia est enceinte et cette toile monumentale assurerait un futur stable à cet enfant longtemps désiré. Aussi, Rembrandt accepte d'honorer la commande de la milice et découvre, au fur et à mesure de l'élaboration de son tableau, un meurtre caché, des ambitions politiques dévorantes, des enrichissements suspects... Mais Rembrandt ne sait pas peindre avec complaisance. Son chef-d'oeuvre est un véritable «J'accuse» qui dénonce un complot au coeur de l'Amsterdam bourgeoise du XVIIe siècle, société d'opulente minée par la corruption morale.
Greenaway nous livre un film sur la société hollandaise du XVIIème siècle, dans un décor théâtral. Se jouant des lumières et des ombres, toute l'action (ou presque) se déroule sur un plateau sur fond noir, tour à tour grouillant de figurants lorsque Greenaway évoque le tableau, la conspiration, la société hollandaise, et centré sur un lit à baldaquin ou un atelier vide pour les épisodes intimes.
Mais pour comprendre «la Ronde de nuit» et saisir toutes les nuances et propositions de l'érudit Greenaway, il importe de connaître le contexte dans lequel l'oeuvre a vu le jour. Pour éviter de plonger dans l'ennui du film "savant"...

Film européen avec Martin Freemann, Eva Birthisle, Jodhi Mah.