samedi 7 février 2009

Soirée Lifar, Petit, Béjart

J'assistais ce vendredi 6 février à cette "triple bill" présentée par le ballet de l'Opéra à Garnier. Avec beaucoup d'impatience car cette affiche, jusqu'à présent présentée lors de tournée en Province, est fort alléchante par les chorégraphes et les chorégraphies qui la composent. J'aurais volontiers préféré "Le jeune homme et la mort" à "l'Arlésienne" de Petit... et pourtant, incontestablement, c'est l'interprétation donnée par B. Pech qui m'a le plus séduit au cours de cette soirée. "Suite en blanc" de Serge Lifar, créé en juillet 1943 sur une musique orientalisante d'Edouard Lalo, est une anthologie de pas d'école, destinée à illustrer la qualité des solistes et étoiles présents dans la compagnie. Le chorégraphe utilise la sixième position (pieds serrés parallèlement l'un contre l'autre) et la septième position (toujours parallèle mais sur pointes et les genous fléchis) qu'il a mises au point, où les pieds gardent leur naturelle comme dans la marche, ainsi que des arabesques, dégagés, développés sortis de leur axe vertical, ce qui, avec les pliés des genoux et le basculement des pointes en avant, apporte à la danse académique un manièrisme fort agréable au regard. Muriel Zusperreguy (pas de cinq), Myriam Ould-Braham (Sérénade) et Agnès Letestu (la cigarette) excellent dans cet exercice. La Mazurka de J. Bélingard m'est apparu "hors sujet" ; l'étoile semblait encore investi de son rôle d'Abderam et cette "différence" d'interprétation, qui aurait dû me plaire, m'a agacé.
"L'arlésienne" de Roland Petit, d'après la nouvelle d'A. Daudet. Oeuvre en demi-teinte, bien agencée, mais qui n'apporte rien de particulièrement nouveau au ballet classique, l'Arlésienne repose sur les épaules des deux protagonistes que sont Vivienne (Delphine Moussin) et Frederi (Benjamin Pech). Outre une danse précise, nette et d'une grande générosité, Benjamin Pech a offert une interprétation sublimale. Il exprime avec beaucoup d'intelligence cet être amoureux, torturé et fou... Chapeau bas à ce danseur que le public a châleureusement applaudi, à juste titre.
Mais c'est le "Boléro" de Béjart qui attire ces jours-ci les foules à Garnier.
Ida Rubinstein, alors directrice de compagnie, décida de s'offrir nombre des ex-collaborateurs de Diaghilev et ses Ballets russes. Et c'est ainsi que Nijinska chorégraphia une partition commandée à Maurice Ravel dont on connait une photographie, en maillot de bain, assis au piano, annotant sa partition. C'est à lui que l'on doit l'argument initial qui justifie cette musique pulsive et répétitive. Dans une taverne espagnole, une gitane danse un boléro. Autour d'elle, les hommes, fascinés, se pressent de plus en plus. Elle monte sur une table. Mais cela ne dissuade pas ses admirateurs, qui l'accompagnent de pirouettes, tournent autour de la table et finnissent même à genoux, jusqu'à ce que dans l'extase, elle s'abandonne et que les hommes la soulèvent au dessus de leur tête. Mais c'est avec la relecture de Béjart que l'oeuvre va accéder à la célébrité mondiale. Pour lui, pas de taverne, pas de buveur, pas d'Espagne, mais un principe qui respecte la thématique originelle. Une danseuse/un danseur sur la vaste table ronde. Elle/il s'anime au rythme de la musique et la gradation sonore entraîne aussi les garçons assis sur des chaises disposées en carré. Au moment, où, au comble de l'excitation et de la pulsion, ils vont envahir la table, tous s'effondrent. La force de ce "Boléro" est d'exprimer une fascination paradoxale pour l'énergie sexuelle plutôt qu'une simple séduction, même excessive. Et pourtant, Nicolas Leriche n'a pas réussi à me séduire, ni même à me convaincre. Est-ce dû à l'interprétation masculine de la chorégraphie ? ou au choix de marteler la chorégraphie d'accents excessifs qui n'apportent rien à la partition ? toujours est-il que c'est mon "premier" Boléro pendant lequel je perds du regard l'interprère principal pour poser mes yeux sur le corps de ballet... qui du coup est beaucoup plus intéressant et harmonieux que l'étoile, ô combien encensée, dans ce rôle. Déception... là où les Gillot, Guillem m'ont charmé, envoûté, Leriche me laisse de marbre. Et de penser que heureux sont les japonais qui peuvent admirer la Guillem, actuellement en tournée au pays du soleil levant avec ... Boléro !

2 commentaires:

laurence a dit…

ouaouh j"ai l'impression de t'y avoir
accompagné bon pas le temps ce matin mais tout doucement comme un petit fruit savoureux je vais lire dans la journée...

Laure K. a dit…

suis revenu lire également et je regrette de ne pas connaitre tout ça mais ça reviendra ... le temps, el tiempo, el Tempo !
Riches impressions, Kreul. Merci de les délivrer ici.