lundi 1 juin 2009

L'Eugène Onéguine de John Cranko par le ballet de l'Opéra de Paris.

L'entrée au répertoire de l'Opéra de Paris de ce ballet psychologique et narratif a été ponctué de nombreux évènements : nommination de deux étoiles (I. Ciaravola, M. Heymann), départ officiel de Manuel Legris... Je n'ai assisté à aucun de ces "temps forts" qui ont marqué cette fin de saison. Mais au delà de ces évènements médiatiques qui mettent en émoi le petit monde de la danse, revenons en à ce ballet, souvent qualifié de "chef d'oeuvre".
Sud africain, John Cranko s'est fait remarquer en Grande Bretagne. Elève du Sadler's Theatre (aujourd'hui Royal Ballet), il en est devenu le chorégraphe résident grâce à la bienveillante vigilence de Dame Ninette de Valois. Il côtoie également Balanchine au New York City Ballet et sa réputation croît. Après avoir monté avec succès son "Prince des pagodes" pour le ballet de Stuttgart, il prend la tête de cette compagnie qui revient au premier plan en 1963, grâce à Onéguine.
Avec une grande finesse, sans forcer des effets, mais sans reculer devant le pathos nécessaire, Cranko a adapté scrupuleusement le poême de Pouchkine. Au premier acte, toute la maison de Larina se prépare pour l'anniversaire de Tatiana (Clairemarie Osta). Lenski (Mathias Heymann), le fiancé d'Olga (Myriam Ould Braham), meilleure amie de Tatiana, revient de la chasse avec Onéguine (Manuel Legris), un ami venu de la ville. Tatiana en tombe amoureuse. Elle lui écrit une lettre, mais lui ne la prend pas au sérieux. Pendant la fête du second acte, Onéguine, pour se distraire, fait la cour à Olga. Lenski s'en offusque, provoque Onéguine et est tué par son ami. Le troisième acte a lieu quelques années plus tard. Onéguine se rend chez le prince Grémine (Christophe Duquenne) et découvre que la princesse n'est autre que Tatiana. Troublé, il écrit à la jeune femme pour lui dire qu'aujourd'hui, il en est amoureux. Mais bien que toujours amoureuse d'Onéguine, Tatiana le repousse.
La gestuelle de Cranko reste académique mais, sur cette trame tragique, dégage une profonde émotion. Sans théâtralisation excessive, ni lourde pantomine, le chorégraphe a su rendre les caractères, les hésitations des sentiments, la nostalgie du temps qui est passé. Musicalement, le chorégraphe a pris parti de ne pas s'appuyer sur l'opéra de Tachaïkovski, mais de faire orchestrer plusieurs pièces du compositeur. La danse y gagne indéniablement une liberté de ton, mais demande de la part des danseurs d'être de véritables interprètes... ce que n'étaient pas tous les danseurs distribués ce 24 avril.
Je ne reviendrai pas sur les premières variations de Legris, ponctuées d'imprécisions et de déséquilibres. Bien évidemment, le danseur étoile s'est ressaisi pour rappeler le technicien qu'il était et gommer cette piètre entrée. Il nous a donné un Onéguine sombre, hautain et peu scrupuleux... et on peut l'admettre, tellement sa Tatiana était transparente et peu crédible. Un exemple avec la scène de la lettre : C. Osta n'occupe pas le plateau, elle est écrasée par l'immensité du lieu. Son jeu n'est pas précis. Alors que la répétition de cette même scène donnée quelques semaines plus tôt, sans décor et accompagnée du seul piano avait été intense à couper le souflle lorsqu'elle était interprétée par Isabelle Ciaravola lors du "pleins feux" consacrée à ce ballet. Elle est ici d'une longueur, d'un ennui.... D'ailleurs le couple Osta/Legris est complètement écrasé par le couple Ould Braham/Heymann : fraîcheur, dynamisme et précision du geste le caractérise. Ils seront ovationnés à la hauteur de leur prestation.
Bref, le personnage de Tatiana prendra réellement de l'épaisseur et s'imposera comme un rôle majeur dans ce ballet au troisième acte seulement, grâce à l'interprétation donnée par Christophe Duquenne de son Prince. Il démontre, si besoin est, l'importance des seconds rôles dans les ballets. Chapeau bas !

1 commentaire:

laurence a dit…

Te dire que je prèfère l'opéra à cette chorégraphie qui me semble un peu désuète bien que j'ai eu la chance de voir deux étoiles apparaitre...dont une que j'aime particulièrement...ton compte rendu a la fois concis et sensible est toujours le grand secours de ma mémoire qui défaille