lundi 30 avril 2007

Programme mixte - Royal Opera Ballet - Covent Garden



"The seven deadly sins", chorégraphie de Will Tuckett (création), musique de K. Weill et texte de B. Brecht.

Disons le tout de suite : l'interprétation donnée par les solistes du ROB est surprenante et de technicité mais surtout d'expression dans le geste. C'est la vie d'Anna cette "provinciale" de Louisiane qui part pour la grande ville, que nous suivons et qui illustrera chacun des tableaux sous le regard de sa famille. Anna est présente sur scène à la fois sous les traits de Zenaida Yanowsky et ceux de la chanteuse Martha Wainwright. Un échafaudage entoure la scène, omniprésent tout au long des 7 tableaux, qui rappelle à Anna ses origines, le poids de sa famille (d'ailleurs les choristes qui incarnent les membres de cette cette famille sont placés en haut de l'échafaudage). Un jeu de rideaux va permettre de faire passer Anna du motel, au bordel, au cabaret... pour enfin retourner dans sa Louisiane natale. Zenaida est surprenante : son jeu est juste, le mouvement de ses jambes est précis, elle est Anna quelque soit la situation. Désespérée ou dans l'attente du bonheur, le moindre frémissement de Zenaida traduit cette atmosphère.
Je dois faire ici mon mea culpa : la promotion de cette danseuse au titre de "principal" m'avait beaucoup étonné. Vue dans la reine des Willis ou encore dans "In the middle...", elle m'avait laissé de marbre. Mais en juillet dernier, au côté de Carlos Acosta au Sadler's et en particulier son interprétation de "la mort du cygne" m'ont fait comprendre quelle artiste est Zenaida. Inoubliable.
Ses partenaires, qui se succèdent au fil des tableaux, font eux aussi preuve d'une présence artistique très forte. Que ce soit José Martin, Edward Watson ou Eric Underwood, ils sont complètement investis dans leur rôle. Tout comme Marianela Nunez, impresionante. Quant à la danse de Tuckett, elle est sensuelle et sexuelle : une main sur le pubis, une autre sur la poitrine... Bien évidemment je me suis rappelé la tribu Gallotta qui, dans sa danse, n'hésitait pas à mettre en scène des gestes à la limite de l'obscènité. Lorsque le classique se nourrit de contemporain...
Le tout sur la voix, parfois trop poussée, de Martha Wainwright, traduisant ainsi la vulgarité de l'instant, la sottise de l'espoir...
Je ne connaissais pas le travail de W. Tuckett en tant que chorégraphe et je ne savais rien de ce ballet chanté mais ce fut une réussite, portée à "bout de pointes" par une Zenaida au sommet de son art.

"Pierrot lunaire", chorégraphie de G. Tetley, musique de A. Schoenberg.


Cette deuxième pièce explique ma présence à Covent Garden. Parce que dansée par Carlos Acosta et parce que je ne connaissais de ce Pierrot, que l'interprétation donnée par Noureev et visible dans le film que lui a consacré Patricia Foy.
Dès le début le ton est donné : Pierrot (Ivan Putrov) est ce personnage sot, un peu niais qui n'ose pas avouer à sa Colombine (Deirdre Chapman) ses sentiments alors qu'elle s'en amuse, telle une garce prenant plaisir à blesser. Ce Pierrot lunaire est tout simplement un "anti-Petrouchka". Le pas de deux, chaleureusement accueilli, est plein d'humour est là encore magnifiquement interprété.

Le tableau suivant permet l'entrée en scène d'Acosta : là, point de saut, la danse est terrienne et repose sur l'interprétation. Acosta donne à son Brighella non pas une dimension de mauvais esprit mais plutôt lui confère un côté taquin qui pousse Pierrot dans ses retranchements, afin de lui permettre de jouir des plaisirs de la vie. Brighella/Acosta va finir par être désespéré face à l'attitude d'un Pierrot qui ne s'émancipe pas du poids de sa morale. Aussi il va se consacrer à l'Inamorata (également interprétée par D. Chapman). Et c'est là que le bât blesse : la présence scénique d'Acosta est si forte que sa partenaire doit avoir un charisme phénoménal pour y faire face. D. Chapman est éclipsée par son partenaire alors que Putrov continue de camper un Pierrot tout en finesse que l'on finit par aimer.
Si la musique de Schoenberg n'est pas d'une approche facile, cette deuxième pièce propose grâce à cette distribution, des interprétations exquises que j'espère revoir prochainement.



"La fin du jour", chorégraphie de McMillan, musique de Ravel.


Cette chorégraphie de McMillan illustre l'insouciance des années 30, avant l'horreur de la seconde guerre mondiale alors même que la peste brune prend le pouvoir dans plusieurs pays européens.
Beaucoup plus légère que la précédente, cette pièce qui par ses décors, costumes et couleurs pourrait paraître d'un intérêt limité interroge la phrase chorégraphique. McMillan utilise les points de supension, n'achève pas ses phrases. Ce choix est utilisé pour traduire l'insouciance des lendemains qui nous le savons, ne serons pas heureux. Cette interrogation de l'écriture chorégraphique est portée au sommet de la délicatesse par une Sarah Lamb qui n'en finit pas de m'émerveiller et un Ricardo Cervera solide tout en sachant être à l'écoute de sa partenaire. Le second couple (N. Oughtred et M. Harvey) qui remplaçait Alina Cojocaru et Frederico Bonelli est moins à l'aise et sa présence scénique est plus effacée.


Même si j'émets quelques critiques, cette "matinée" à Covent Garden a été pour moi, un moment dansé très fort. Et je me suis dit que le ballet de l'opéra de Londres est capable d'aligner des solistes et "principals" que doit lui envier la Maison Garnier....

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