dimanche 11 mars 2007

"Cria cuervos" un film de Carlos Saura



Tourné en 1975, "Cria cuervos" est une vision critique de la période franquiste et de ses valeurs.
Dans la société espagnole de cette époque, 3 petites filles de la bourgeoisie sont recueillies, à la mort de leur père, par leur tante, la soeur de la mère, décédée quelques années auparavant. Leur tante prend en charge leur éducation, aidée par Rosa, la gouvernante. Carlos Saura a construit son film en entrelaçant les strates temporelles, le rêve et la réalité : le passé interroge le présent et réciproquement.
Si "cria cuervos" met en images la perception qu'a du monde des adultes une enfant douée d'une imagination débordante et habitée d'obsessions morbides, ce qui m'a le plus intéressé dans la démonstration de Saura c'est le climat funèbre du film qui illustre l'agonie d'un système et son témoignage sur la condition féminine de l'époque.
Cette famille est essentiellement composée de femmes. Paulina, la tante, est présentée comme une meîtresse de maison intransigeante, inflexible à l'image de la société franquiste. Saura nous montre, au travers de cette famille, incarnation métaphorique de la nation espagnole, que l'Espagne franquiste est une société patriarcale figée, très à cheval sur les principes et la discipline. Mais cette société est en état de déréliction inéluctable, décadente. La bourgeoisie n'arrive plus à assumer et afficher son orgueil de classe : la piscine vide dans laquelle Ana joue à la poupée en est le symbole.
Par ailleurs, la mère et la tante d'Ana, enfermées dans leur rôle de femmes, sont dépendantes des hommes montrés ici dans leur uniforme de junte. On apprend que la mère d'Ana a même renoncé à sa carrière prometteuse de pianiste pour épouser Anselmo, son militaire de mari : frustation et regret d'une vie qui aurait pu être plus épanouissante. D'ailleurs Ana tient son père pour responsable de la mort de sa mère. Mais Ana incarne aussi le changement et la volonté de sa génération d'en finir avec cette sombre période. Cette chronique d'un été s'achève avec la rentrée des classes, perçue comme une sorte de renaissance par le réalisateur, sur l'air de Jeannette, à la voix suave et enfantile mais au propos désenchanté...

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