dimanche 18 mars 2007

"Proust ou les intermittences du coeur", chor. Roland Petit, Opéra Garnier

Musicale et théâtrale.
Entrée au répertoire du ballet de l'opéra de Paris, cette pièce créée en 1974 à Monte Carlo par le ballet de Marseille est une succession de 13 tableaux répartis en 2 actes. Roland Petit a choisi quelques personnages (Albertine, Proust jeune, Morel, Monsieur de Charlus et Saint Loup), quelques situations d'"A la recherche..." afin de réussir une symbiose des notes, des images et des corps. Les scènes se succèdent sans véritable continuité mais animées par même un souffle poétique : la première partie est centrée sur le bonheur du couple et de l'amour. La seconde décrit la rupture et la mort, omniprésente dans le roman. Le classicisme chorégraphique que nous présente Petit est perturbé par des éléments inattendus : le tableau dansé de "la rencontre fortuite dans l'inconnu" est présenté en contre-jour, Morel personnage ambigü et terriblement proustien apparaît nu...
Ce voyage dans l'esthétisme s'accompagne de choix musicaux qui magnifient les images, les costumes et décors. "L'heure exquise" (Hahn) illustre la croyance des Verdurib/Guermantes d'être le centre du monde, "la mer" (Debusssy) celui des jeunes filles en fleur... pour s'achever par du Wagner ("Rienzi") tandis que la mort frappe et ravive les souvenirs de Proust.
Le jeune Proust est interprété par Hervé Moreau, souverain, à la technique parfaite et à la danse intelligente. Stéphane Bullion campe un Morel athlétique, sensuel et présente une danse d'excellence. Un danseur que j'apprécie à chacune de ses prestations. Celle de Morel est inoubliable. Face à lui, Manuel Legris est Monsieur de Charlus : sa danse reflète l'humanité, la souffrance et la révolte intérieure de son personnage. Tout est dit par le geste, Legris n'a pas à en faire plus : du grand art. Quant à Saint-Loup, Matthieu Ganio est séduisant, troublant. Une grande étoile. Son pas de deux d'anthologie avec S. Bullion est inoubliable.
Mais peut être que pour moi, le plus "bel instant esthétique" de cette soirée est le pas de quatre entre Peggy Dusoart, Bruno Bouché, Gregory Dominiak et Cyril Mitilian (tableau XI de la "rencontre fortuite").
Le seul bémol de cette distribution est le rôle d' "Albertine" confié à E. Abbagnato : H. Moreau peut déployer tout son art de la danse, le pas de deux du tableau VII "La regarder dormir" ne fonctionne pas. Abbagnato nous présente une fois de plus une danse truchée de mimiques, de sourires hollywoodiens... au détriment d'une gestuelle qui devient raide et inhabitée. Le problème avec cette danseuse qui occupe un rang de soliste dans la compagnie (!!???) est, semble-t-il, qu'elle n'a pas digéré les difficultés tehniques et qu'elle est incapable de se défaire de ses appréhensions... sa gestuelle est insupportable.
Alors j'ose imaginer Lucia Lacarra dans ce rôle, évanescente à souhait...

2 commentaires:

Anonyme a dit…

¡Comme j'aurais aimé le voir! Mille mercis pour cette si complète description. Il est possible quand-même qu'on voit cet espectacle a Peralada lors d'un des futurs festivals, étant donné que la dame Carmen Mateu-Suqué est fan de Monsieur Petit et est allée le voir à l'opèra. Et ça serait encore plus magnifique de le voir avec Lucia Lacarra.. qui sait? ;-)

kreul a dit…

Muchas gracias !!!